Il sème son tournesol dans une orge de printemps vivante pour le préserver des dégâts d'oiseaux

Après un hiver très pluvieux, le semis de l’orge de printemps est intervenu tardivement… Peut-être trop pour avoir un effet sur les oiseaux lors du semis du tournesol ? Crédit Photo : Matthieu Rambaud

Les dégâts d’oiseaux juste après le semis sont une des principales raisons de l’abandon de la culture de tournesol dans les secteurs de production historique. Pour tenter de maintenir la culture sur son exploitation, Matthieu Rambaud essaie le semis de tournesol dans un couvert d’orge de printemps semé quelques semaines plus tôt. Une dernière chance avant l’arrêt de la culture.

 

À l’EARL Le bas Noyer, le semis de tournesol dans une orge de printemps semée en fin d’hiver est sans doute la dernière chance pour la culture de rester dans l’assolement de l’exploitation. «Les dégâts d’oiseaux – ici ce sont surtout les corbeaux qui mangent le grain juste après le semis – peuvent engendrer des pertes de pieds allant de 30 à 80% dans une parcelle, se désole Matthieu Rambaud. S’ils tombent sur votre parcelle, il n’y a rien à faire. C’est stressant de voir les oiseaux manger votre travail avant même que ça lève.»

 

Si l’agriculteur en est à remettre en cause la culture sur son exploitation, il persévère tout de même. «L’année passée, le Geda où je suis adhérent a réalisé des essais de semis de tournesol dans un couvert vivant semé au printemps. La phacélie, la féverole et l’orge de printemps ont été testés. L’essai était du tâtonnement et les résultats n’ont pas été très précis, mais il s’avère que c’est une technique qui ne coûte pour ainsi dire rien. Hormis la semence de ferme d’orge de printemps à raison de 65 kg/ha et le coût de son implantation, l’itinéraire cultural du tournesol n’en est pas changé.»

Comme Matthieu Rambaud avait prévu de semer du tournesol cette année, il s’est donc mis en tête de tenter le tout pour le tout. Car «le tournesol reste une culture avec laquelle il est assez facile de générer de la marge si l’on ne rencontre pas de dégât d’oiseaux. C’est une culture qui demande peu d’intrants, qui libère les sols assez tôt à l’automne, qui permet de gérer le salissement des parcelles et dont le rendement peut être très correct dans des situations irriguées notamment.»

 

Préserver la structure du sol pour ne pas pénaliser le tournesol

Les références sont peu nombreuses sur la pratique, mais Matthieu Rambaud estime toutefois qu’il y a quelques prérequis à la technique. «La principale d’entre elles étant de ne pas abîmer la structure du sol au moment du semis de l’orge en sortie d’hiver qui pénaliserait d’emblée le potentiel de rendement du tournesol. Parce qu’évidemment, aucun travail du sol ne peut être réalisé entre le semis de l’orge de printemps et celui du tournesol. Cela nécessite donc de travailler un sol bien ressuyé en sortie d’hiver.» Mais compte tenu du fait que l’orge de printemps doit, a priori, être implantée au moins un mois avant le tournesol pour espérer avoir un bénéfice contre les oiseaux, il faut essayer de la semer le plus tôt possible.

 

Alors, il y a bien la solution de semer l’orge de printemps à l’automne précédent, mais Mathieu Rambaud a peur que le sol ne se réchauffe pas suffisamment pour le semis du tournesol au printemps dans cette configuration. Avec le semis de l’orge au printemps et le travail du sol réalisé à cette occasion, l’agriculteur sait aussi qu’il pourra se servir de son semoir monograine à disque, mais pas adapté pour le semis direct, pour semer son tournesol dans l’orge vivante.

 

Il reste encore à l’agriculteur une question à trancher pour le semis du tournesol. «À quel moment l’orge de printemps est-elle suffisamment développée pour protéger le tournesol des attaques de corbeaux?»

Itinéraire cultural du tournesol au fil de la campagne 2019/2020

Le 04/07/2019 : récolte du précédent blé dur qui produit 93 q/ha sur la parcelle du « bas noyer » d’une surface de 5,6 ha d’argilo-calcaire. La paille a été exportée aussitôt la récolte.

 

Le 25/07/2019 : Déchaumage avec un déchaumeur à dents Smaragd Lemken à une profondeur de 10 cm.

 

Le 08/08/2019 : Semis d’un couvert végétal composé de 3 kg/ha de trèfle d’Alexandrie et de 8 kg/ha de phacélie. L’opération est réalisée à la volée avec un semoir à antilimace Delimbe monté sur un quad. Un roulage est effectué dans la foulée pour assurer le meilleur contact sol-graine possible.

 

Le 27/12/2019 : Broyage du couvert végétal à l’aide d’un broyeur à axe vertical Gyrax de 5,40 m de largeur. Au moment de sa destruction, le couvert végétal mesurait 90 cm environ. L’agriculteur estime son développement satisfaisant compte tenu de la sécheresse estivale de 2019.

 

Le 30/12/2019 : Labour d’hiver réalisé à une profondeur de 18 cm dont l’objectif est d’enfouir le couvert végétal et de préparer les semis de printemps.

 

Le 20/03/2020 : Passage d’un vibroculteur à une profondeur de 10 cm avec pour objectif de « défaire » le labour, d’aérer et d’aider le sol à ressuyer avant le semis.

 

Le 22/03/2020 : Semis de l’orge de printemps à 2 cm de profondeur avec un combiné de semis herse rotative et semoir à disque de 3 m. La rotative travaille à 8 cm de profondeur. La densité de semis est de 150 grains/m2, soit 65 kg/ha de semence de ferme. La moitié de la dose de semis normale de la céréale. «L’objectif est de couvrir suffisamment le sol afin de leurrer les oiseaux lors du semis du tournesol, mais aussi d’éviter de trop assécher le sol qui pourrait pénaliser son potentiel», note Matthieu Rambaud. D’où le choix de cette densité de semis.

 

Le 01/04/2020, l’orge commence à lever.

 

Le 06/04/2020 : La parcelle a reçu 3mm et 7 mm le 19/04/2020. Le sol est sec en surface mais de l’humidité reste en dessous.

 

couvert végétal d'orge de printemps envahi d'adventices. Crédit Photo : Matthieu Rambaud

Le 24/04/2020 : L’orge de printemps approche la fin tallage. Seule 5 % de la surface n’a pas levé compte tenu des conditions sèches. Le salissement est important. Les zones sans orge sont envahies en chénopodes et de mercuriales. Ces zones sont aussi vertes que là où l’orge est levée.

 

Grain de tournesol dans son rang de semis. Crédit Photo : Matthieu Rambaud
Le 25/04/2020 : Semis du tournesol. La variété Pioneer P64hh150 est implantée à 74 000 grains/ha à une profondeur de 4 cm accompagnée de micro-granulés Trika Expert à raison de 15 kg/ha qui font office d’insecticides et de fertilisants localisés. L’agriculteur est surpris de la fraîcheur qui persiste à la profondeur de semis malgré la quasi-absence de pluie depuis le semis de l’orge et la présence de végétation en surface. Une humidité suffisante pour assurer la levée de la culture. Malgré un semoir non adapté au semis direct, l’agriculteur n’a rencontré aucune difficulté. Le sol n’était cependant pas «refermé» depuis le semis de l’orge.

 

Le 26/04/2020 : Désherbage en fin de journée avec 3 l/ha Glyphoflash XL (36

Tournesol semé dans une orge de printemps vivante. Crédit Photo : Matthieu Rambaud
0 g/l de glyphosate), 2 l/ha de Proman et 1,4 l/ha de Mercantor. L’objectif du glyphosate est de détruire la végétation déjà levée dont l’orge. Matthieu Rambaud juge la dose peut-être un peu élevée, mais comme les solutions de rattrapage sont minces il ne préfère pas prendre de risque. Les deux autres produits visent davantage les adventices pas encore levées, y compris certains grains d’orge. Compte tenu de la végétation au moment du semis, l’agriculteur espère une pluie rapide et abondante pour faire migrer ces deux produits racinaires vers le sol pour assurer leur efficacité.

 

Jeune plant de tournesol dans un couvert d'orge de printemps pour limiter le risque de dégâts causés par les corvidés. Crédit photo : Matthieu Rambaud

Le 05/05/2020 : Epandage de 4 kg/ha de Limadisque (anti-limace à base de 30 g/kg de métaldéhyde). La présence de limaces est avérée dans le pourtour de la parcelle et des dégâts observés sur les jeunes plantules de tournesol. "Il était urgent d'intervenir" selon Matthieu Rambaud. Le lendemain, l'opération avait fait preuve de toute son efficacité avec la présence de nombreux cadavres de limaces dans la parcelle. La pression de ce ravageur a pu être amplifiée par les 30 mm de pluie tombés le 02/05/2020.

 

 

Le 09/05/2020 : la parcelle reçoit 60 mm de pluie suivis par un second épisode pluvieux de 40 mm le 11/05/2020. Soit 100 mm en 72 h. La culture est au stade 2 feuilles et l'orge comm

Tournesol au stade deux feuilles semé dans une orge de printemps vivante. Crédit photo : Matthieu Rambaud
ence à disparaitre rendant visible le tournesol. Si les corvidés, principale problématique du secteur, ne se sont pas montrés cette année, Matthieu Rambaud a quand même placé deux canons effaroucheurs dans sa parcelle afin de lutter contre des pigeons ramiers. Il ne déplore cependant pas de gros dégâts et n'a pas de ressemis à réaliser dans la parcelle. L'orge implantée plus tôt au printemps a eu un autre avantage que la lutte contre les corvidés. Compte tenu de l'épisode orageux subi, le couvert a maintenu la terre dans la parcelle et évité toute érosion. L'agriculteur ne déplore aucune ravine contrairement à certaines parcelles voisines. De plus, il constate que l'orge n'a occasionné aucune gêne pour le développement du tournesol depuis son semis malgré des conditions sèches de début de printemps.

 

 

Le 28/05/2020 : fertilisation azotée avec 100 kg/ha d’urée 46. C’est l’unique apport d’azote sur la culture sur un sol très sec.

 

Le 29/05/2020 : binage avec pour objectif principal d’aérer le sol rabattu par les orages reçus et d’enfouir l’azote apporté la veille. L’intervention est réalisée à 5 km/h et à une profondeur de 5 à 8 cm. Par ailleurs, la parcelle est propre et n’aurait pas nécessité un passage spécifique pour lutter contre les adventices.

A gauche de la photo, la parcelle n'a pas reçu d'orge de printemps avant le semis. On observer une culture plus verte et un peu plus grande. Crédit Photo : Matthieu Rambaud

Le 02/06/2020 : le tournesol compte 5 à 6 paires de feuilles. Matthieu Rambaud observe une différence de taille des tournesols entre la majorité de la parcelle et les deux « placettes » où il n’avait pas semé d’orge. Le tournesol est plus grand et plus vert là où il n’y avait pas d’orge. La différence est visible à l’œil, mais il ne pense pas qu’il y aura un impact sur le rendement final. Il est d’ailleurs satisfait de l’état de la culture.

Tournesol à la fin du mois de juin. Crédit Photo : Matthieu Rambaud

Le 26/06/2020 : Après 100 mm de pluie reçus au début du mois de juin,  la culture a bien profité. Son développement est très bon. Si la période est d'habitude favorable aux pucerons, aucun n'a été observé cette année.

 

Les 25 et 26/07/2020 : Irrigation de la culture qui arrive au stade fin floraison avec 35 mm d'eau.

 

Le 03/09/2020 : Matthieu Rambaud observe un décalage de stade entre la grande majorité de la parcelle où il a implanté de l'orge et les quelques placettes où il n'y en avait pas. Le cycle du tournesol est légèrement plus en avance là où il n'y avait pas d'orge. "Le décalage est de quelques jours voire une semaine tout au plus, mais il a clairement été visible durant l'intégralité du cycle de la culture", note l'agriculteur. Même s'il est difficile de s'avancer sur le rendement, il ne pense pas qu'il puisse y avoir un différentiel entre les deux modalités. Ce qui a sans doute fait beaucoup de bien au potentiel de la culture ce sont les 50 mm de pluie tombés dans la semaine du 15 août. De l'eau tombée à pic pour le remplissage des grains. "Ces quelques pluie ont fait beaucoup de bien alors que je n'avais pas suffisamment de volume d'eau pour réaliser un second tour d'irrigation. Hormis les placettes citées précédemment, la culture est homogène sur la parcelle.

 

Le 12/09/2020 : Récolte du tournesol qui affiche un rendement de 30 q/ha et une humidité de 7 %. Avec l'application d'un tour d'eau, Matthieu Rambaud aurait espéré mieux, mais reste satisfait au regard de la moyenne du secteur bien en deçà de ce résultat. Donc l'irrigation a apporté un plus et l'orge dans laquelle a été semée le tournesol n'a pas fait chuter le rendement. Dans une autre parcelle sans orge, l'agriculteur à récolté 23 q/ha. Il a toutefois noté un salissement en chénopodes post-récolte légèrement plus important dans la parcelle suivie cette campagne sans que cela ne soit préjudiciable à sa propreté globale. Il pense donc reproduire la technique dans ses terres de Groix les prochaines années. Il la réserve pour l'instant à ces terres car elles permettent d'entrer assez tôt dans les parcelles concernées pour semer l'orge de printemps.

 

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