Se remémorer la vocation première d’un sol

Chaque type de sol a vocation à faire pousser un certain type de production. Plus on s’en éloigne, plus il est difficile de produire, selon Claude Bourguignon. Photo : Pixel6TM

Lydia et Claude Bourguignon étaient les invités d’honneur de la première édition des Rencontres internationales de l’agriculture du vivant. Ils en ont profité pour dire quelques mots sur ces sols qu’ils commencent à connaître après plus de 9 000 profils réalisés en France et dans le monde.

"Ces trente-cinq dernières années, les quantités moyennes de pluie qui tombent par an en France sont approximativement les mêmes avec une répartition entre les volumes hivernaux et estivaux toujours égale", souligne Lydia Bourguignon, co-fondatrice du Laboratoire analyses microbiologiques sols (LAMS) avec son mari Claude, lors de la première édition des Rencontres internationales de l’agriculture du vivant. Or, la problématique d’érosion des sols a plutôt tendance à s’accentuer. "C’est donc que les sols sont en mauvais état ! Les problèmes d’érosion et d’eau colorée ne sont pas les conséquences des pluies, mais bien de la dégradation de la qualité des sols, poursuit-elle. Qui dit dégradation des sols dit perte de matière organique, donc perte de porosité par manque d’activité de la microbiologie du sol et des vers de terre. Et au final perte de perméabilité." L’eau ne s’infiltre donc plus dans le sol, mais ruisselle en surface. Quand on sait que la force érosive de l’eau correspond au carré de sa densité (densité2), les dégâts peuvent s’accumuler très vite. D’autant plus qu’au fur et à mesure de son cheminement, l’eau soulève de la matière qui vient donc augmenter sa densité et ainsi multiplier sa force érosive. "Une des principales clés pour endiguer ce phénomène reste l’augmentation du taux de matière organique dans les sols. Le semis direct couplé aux couverts végétaux est une manière extrêmement rapide d’y arriver si on le compare au temps nécessaire à la création biologique naturelle d’un sol".

Les champignons champions de la reconstruction des sols

"Le taux de matière organique d’un sol ne devrait jamais être inférieur à 18 % de son taux d’argile, lance Claude Bourguignon à la même occasion. Cette valeur correspond à l’équilibre minimum pour éviter de perdre du sol par érosion !" Or, l’agriculture pratiquée jusqu’à aujourd’hui – très mécanisée et avec un travail du sol intensif – contribue à la destruction de la matière organique en favorisant le nombre et la diversité des populations bactériennes présentes dans le sol au détriment des champignons. Or, les bactéries s’avèrent être de vraies usines à minéralisation de la matière organique dont l’agriculture s’accommodait bien jusqu’alors car elles étaient une composante non négligeable du rendement.

Avoir une bonne connaissance de son sol, c’est connaître l’horizon de surface et le sous-sol ! Photo : Pixel6TM

"Les champignons, quant à eux, sont les seuls organismes présents dans le sol capables de digérer de la lignine et ainsi de favoriser la création d’humus, ajoute Claude Bourguignon. Le formidable pouvoir des champignons à faire "revivre" un sol très dégradé a pu être observé lors de l’application de bois raméal fragmenté (BRF). Les champignons étant les seuls organismes à pouvoir dégrader le BRF, l’épandage d’une telle matière les « oblige à travailler ». Ce qui permet de recréer un sol vivant à une très grande vitesse." Ils sont fondamentaux pour un sol vivant. Il n’y a qu’à observer ce qui se passe en forêt ! S’ils sont un des maillons essentiels à la création d’humus, les champignons ne peuvent pour autant pas tout résoudre. Ce n’est pas le tout de créer de la matière organique, faut-il encore qu’elle soit complexée dans le sol. Or, c’est la teneur en argile du sol qui détermine la capacité de ce dernier à complexer une quantité de matière organique donnée. Il est donc indispensable de connaître son sol.

Revenir à la vocation du sol

"La France a la géologie la plus complexe au monde avec celle de Madagascar, signale Lydia Bourguignon. Elle bénéficie de climats très différents d’une région à l’autre. Deux caractéristiques qui ont fait de la France le pays des terroirs et des produits qui en sont issus ! La France était autrefois cultivée comme un jardin où chaque terre avait sa vocation." La vocation de la terre a quelque peu été oubliée avec la mécanisation mais elle a encore bel et bien un sens, selon Claude Bourguignon : "Un sol a une vocation à produire quelque chose. C’est ce que les anciens faisaient. Sans doute avaient-ils un contact plus proche avec le sol qui les aidait à le faire. Plus on s’éloigne de cette vocation et plus il va être difficile de faire pousser ce que l’on veut. Un sol qui est composé de plus de 40 % d’argile est un sol de pâturage. Il va être difficile d’y faire pousser autre chose. Plus on se rapproche de la vocation première d’un sol, mieux on vivra sur ce sol car il permettra ainsi une production de qualité et en quantité. Mais trouver la bonne vocation d’un sol, c’est déjà observer ce que les anciens produisaient dessus et c’est connaître le sol et le sous-sol. Aujourd’hui, nous pâtissons trop souvent d’une méconnaissance des sols."

 

 

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