Au fond de sa fosse pédologique de deux mètres de profondeur, Christophe Frébourg observe les racines, il les touche et il les goûte aussi ! L’utilisation de ses trois sens lui permet d’en dire long sur l’état structural d’un sol.
«En croquant dans une racine au début du printemps, alors que la sève est brute, il est encore difficile d’avoir une perception claire de quel végétal il s’agit, reconnaît Christophe Frébourg, dirigeant de la société de conseil Frébourg Agro-Ressources et expert de la vie des sols. Il a invité l’équipe de Cultivar à l’une de ses expertises sur la ferme de Florian Habert en Eure-et-Loir durant l’hiver 2019-2020. En revanche, plus on s’approche de la fin du cycle de la culture, plus la sève est élaborée, et il est alors assez facile de reconnaître au travers de la sève le goût du végétal qui est au-dessus du sol. La sève exprime alors véritablement le produit fini avant même la récolte. Si c’est une racine de pois, on sent que c’est du pois, idem pour la féverole et toutes les autres plantes. C’est assez impressionnant quand on débute dans cette approche.»
Au-delà du goût, glisser une racine dans sa bouche est aussi l’occasion de reconnaître si elle est vivante. Une racine vivante est croquante ! Une racine qui ne l’est plus est sèche et, en bouche, ressemble à du tabac, il n’est pas possible de la croquer.
Les racines sont comme les tuyaux d’arrosage
Il y a bien évidemment d’autres moyens d’identifier qu’une racine est vivante. Sa couleur est un bon indicateur. Si elle est blanche, elle est vivante. Mais en plus d’identifier leur niveau de vitalité, observer les racines c’est observer la qualité du sol qui les entoure. «Des racines qui sont bien rondes confirment que la structure du sol est bonne, note l’expert. En présence d’argiles, cela signifie que celles-ci sont de qualité, elles bougent mais sans exercer trop de pression sur les racines. Donc l’alimentation des plantes est toujours optimisée. C’est le même principe que le tuyau d’arrosage du jardin. En mettant le pied dessus, l’eau ne sort plus au bout du tuyau. Mais au bout de la racine, il y a la plante… Donc une mauvaise alimentation peut impacter la récolte tant en quantité qu’en qualité. Il est nécessaire qu’à tout moment de son cycle, la plante ait une alimentation optimum.»
Une alimentation optimale est d’autant plus nécessaire que les conditions pour la plante sont extrêmes. En cas de forte chaleur au mois de juin, il est possible de voir la différence entre les «bonnes» et les «mauvaises» terres. Les bonnes parcelles ont tendance à mieux supporter ces épisodes de fortes chaleurs. Si le sec perdure, même les meilleures parcelles trinquent, mais plus elles trinquent tard plus la récolte sera comparativement bonne à la fois en quantité et en qualité.
Il est donc essentiel de s’assurer que les racines des cultures sont bien blanches, bien rondes et aussi bien droites. Lors du diagnostic du système racinaire, l’observation de racines qui font des zigzags est très souvent le signe d’une compaction. Quand c’est dur, les racines ne rentrent pas. Elles contournent par la droite ou par la gauche la zone en question. Ce n’est donc pas bon signe.
En plus de leur aspect direct, les racines peuvent nous apprendre encore une chose dans leur relation avec le sol : «Quand un sol est vivant, la terre rhizosphèrique reste autour des racines lorsque la plante est extraite du sol. Il existe une symbiose entre la terre rhizosphèrique et les racines. Dans un sol moins vivant, la terre se décroche très vite des racines», conclut Christophe Frébourg.
