Les biochars présentent-ils un risque pour les sols, l’eau et l’air ?

Les biochars semblent ne pas avoir que des vertus, selon le chercheur Vincent Chaplot. Crédit photo: Vincent Chaplot

Les biochars sont annoncés comme une panacée environnementale, car ils permettraient de stocker durablement dans les sols du carbone atmosphérique tout en améliorant leur qualité et la production agricole.

À l’heure où une loi européenne vient de labéliser les biochars comme amendement agricole, nous avons demandé à Vincent Chaplot, spécialiste de la qualité des sols au sein de l'IRD, de dévoiler sa synthèse de la littérature scientifique ayant étudié leur impact sur l’environnement.

Un éphémère accroissement de fertilité des sols… uniquement pour les sols très pauvres

Le chercheur Kurt Spokas et son équipe de l’université du Minnesota, qui ont analysé les résultats des essais agronomiques de par le monde, montrent que la moitié des études rapportent une augmentation du rendement en grain des plantes cultivées après ajout de biochars, le reste des études faisant état de diminutions de rendement ou tout simplement d’absence d’impact.

Lorsque l’on regarde de plus près ces études, il est frappant de noter que l’effet fertilisant n’est valable que pour les sols acides et donc pauvres et qu’il ne perdure que l’année de l’épandage. L’explication donnée par les chercheurs, comme le professeur Davey Jones de la Bangor University (Royaume-Uni), est que les biochars apportent des cations (Ca, Na, K...) manquants à ces sols, mais qui sont très vite consommés par les plantes.

Les biochars contiendraient aussi des composés organiques identiques à ceux dérivés du pétrole, comme l’éthylène que certaines plantes confondent avec des hormones de croissances (Duta, 2017). Enfin, les baisses de rendement dans les sols fertiles proviendraient de l’immobilisation de nutriments en raison de l’accroissement du pH du sol et de pertes de nutriments du fait de la diminution du potentiel redox des sols (comme pour l’azote) et de la décomposition lente des biochars qui consomme énergie et nutriments.

Quand les biochars détruisent la matière organique et la vie des sols

Les résidus de récolte constituent la principale nourriture de la vie du sol (champignons, bactéries...) et exporter les pailles et les feuilles pour les transformer en biochars dans des usines privera inévitablement la faune du sol de nourriture.

Ajouter les biochars aux sols ne changera rien à cela, puisque la vie du sol s’y "casse les dents", ceux-ci étant bien trop riches en carbone par rapport à leurs besoins. Pire encore, Dong (2018), Luo (2011) et Singh and Cowie (2014) révèlent que les bactéries, pour survivre à une nourriture devenue trop riche en carbone, dégradent la matière organique ancienne du sol pour y trouver des nutriments, ce qui accélère le processus de dégradation des sols.

Une plus grande pollution des sols, des eaux et de l’air

Tous les biochars contiennent des teneurs plus ou moins grandes en HAPs, dioxines et furans, ces composés hautement toxiques et cancérigènes, qui sont très mobiles et dont la durée de vie peut avoisiner 500 ans.

Cornelia Rumpel, chercheuse à l’Inrae, a montré que les biochars sont préférentiellement érodés par les pluies et qu’ils rejoignent les cours d’eau. Stephan Haefele de l’Institut international de recherche sur le riz montre qu’au bout de quatre ans, la moitié des biochars de ses sites d’étude se sont infiltrés dans le sol à une profondeur de plus de 30 centimètres pour rejoindre les nappes. Enfin, les composés toxiques volatiles rejoignent aisément l’air.

Des résultats contrastés sur les gaz à effet de serre

Les biochars appliqués aux sols réduiraient l’émission par les sols de gaz à effet de serre (GES), ce qui semble être le cas pour la plupart des sols de rizière. En effet, les biochars favoriseraient les bactéries consommatrices de méthane. Il semble cependant que l’impact positif des biochars sur les GES n’est pas généralisable. Par exemple, Chen (2014) et Deng (2017) rapportent une augmentation des émissions de GES, y compris pour des sols non irrigués. Stephan Joseph de l’université de Newcastle en Australie a démontré en 2015 que les abondantes nanoparticules métalliques de la surface des pores des biochars diminuent l'énergie nécessaire à la formation du N2O, ce puissant gaz à effet de serre (GES).

Aux États-Unis, où l’épandage de biochars sur les sols agricoles est autorisé et incité depuis de nombreuses années, nombre d’agriculteurs reviennent en arrière. En conséquence, la France devrait, en bon père de famille, instaurer un moratoire sur l’utilisation de biochars dans les sols sur plusieurs décennies, pour que la communauté scientifique et les acteurs économiques et sociétaux puissent en évaluer les multiples effets.

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