Le semis direct stocke-t-il vraiment plus de carbone dans les sols ?

Passer au semis direct ou au travail simplifié du sol accroît-il les stocks de carbone des sols ? « Quand le labour est abandonné, les analyses de sol montrent partout un accroissement des teneurs en matière organique dans l’horizon de surface mais cela conduit-il à des stocks plus importants dans le sol », questionne Vincent Chaplot, chercheur de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), qui tente d’apporter son éclairage.

Partout dans le monde, le bilan est nul

Conclure sur les bénéfices d’une pratique agricole pour le stockage de carbone dans le sol nécessite de s’intéresser à l’ensemble du profil de sol (de sa surface à la roche mère, ou tout au moins jusqu’à un mètre de profondeur). C’est en tout cas ce que nous enseigne la recherche depuis toujours.

Or « les travaux de Baker (2007) et Luo (2010) qui ont regardé de très près les résultats de centaines d'expérimentations de terrain menées à travers le monde démontrent qu’une accumulation de carbone se produit dans l’horizon superficiel du sol mais que l’accroissement en surface est compensé par des pertes plus importantes en profondeur et qu’au final le bilan est nul », relate Vincent Chaplot.

Un constat identique en France

En France, l’absence d’accroissement des stocks de carbone consécutif à l’abandon du travail du sol est confirmée par la seule étude disponible ayant considéré l’ensemble du profil de sol.

Dans un essai de 47 ans à Boigneville, au sud de Paris, Dimassy et Inrae, qui ont publié leurs travaux en 2013 et 2014, ont montré qu’une accumulation de carbone se produit en surface (0-10 cm), et atteint un plateau après 24 ans alors que les stocks de carbone diminuent continuellement dans les couches inférieures à un rythme de 0,42-0,44 %/an. «Ses auteurs de conclure que l’effet du travail du sol est nul avec une tendance à la diminution après plusieurs décennies », précise le chercheur de l’IRD.

Certaines conditions de sol favorables au stockage de carbone

Certaines conditions pédoclimatiques bien particulières pourraient pourtant conduire au stockage additionnel de carbone dans les sols. C’est ce que nous enseignent les statistiques sur les 40 sites canadiens de Liang et Anger (2020).

Les régions qui sont bien arrosées ne stockent pas plus de carbone suite à l’abandon du travail du sol. En revanche, le bilan est positif dans les prairies semi-arides du pays (qui correspondraient à un climat méditerranéen en France) avec rythme de 740 kg/ha/an de carbone stockés au cours des dix premières années et de 95 kg/ha/an par la suite.

« En l’état actuel des connaissances scientifiques, y compris sur l’Hexagone, il n’y a pas d’effet du semis direct sur les stocks totaux de carbone du sol, mais une redistribution au profit de la surface du sol. Une telle accumulation en surface présente des bénéfices comme une érosion hydrique réduite, une meilleure préparation du lit de semence, une grande proximité des nutriments pour les jeunes pousses et un plus grand réchauffement au printemps », poursuit le chercheur.

Dans le même temps, l’accumulation de carbone à la surface du sol est un sujet de préoccupation car à terme le semis direct pourrait conduire à diminuer les stocks totaux de carbone du sol et ainsi accroitre les émissions de carbone vers l’atmosphère et la dégradation des sols. Quelle pratique adopter alors pour stocker du carbone, cet élément essentiel de la fertilité des sols ? Vincent Chaplot se demande s’il n’y a pas à apprendre des pratiques de nos ancêtres.

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