Colza : Combiner les leviers pour lutter contre les insectes

Le méligèthe, coléoptère de 2 mm reconnaissable à son corps noir brillant aux reflets bleus, occasionne des dégâts sur les boutons floraux en se nourrissant de pollen. Photo : DR

En terre onze mois de l’année, le colza est une source importante de pollen au printemps et est visité par de nombreux insectes, dont certains sont des ravageurs : le charançon de la tige du colza, les méligèthes, le charançon des siliques, la cécidomyie ou encore le puceron cendré. "Le charançon de la tige du colza (Ceutorhynchus napi) est considéré comme l’un des plus nuisibles en raison de sa présence fréquente et de la gravité des dégâts qu’il occasionne. L’insecte, le plus gros charançon ravageur du colza (3-4 mm), de couleur gris cendré, aux pattes noires, peut être observé dès les premiers réchauffements et doit être surveillé jusqu’au stade boutons séparés. Il pond ses œufs dans la tige du colza en cours de croissance, provoquant une désorganisation des tissus. L’alimentation de la plante peut alors être perturbée", indique Céline Robert, chargée d’études ravageurs des cultures et faune auxiliaire chez Terres Inovia. Presque aussi redoutable, le méligèthe, coléoptère de 2 mm reconnaissable à son corps noir brillant aux reflets bleus, occasionne des dégâts sur les boutons floraux en se nourrissant de pollen. "La taille du bouton au moment où le méligèthe vient se nourrir est déterminante pour l’évolution de ce bouton : en dessous d’un diamètre de 2-3 mm, il avorte et ne donne donc ni fleur ni silique", précise Laurent Ruck, responsable national de l’évaluation des insecticides et du biocontrôle de ravageurs chez Terres Inovia. Quant à la cécidomyie, insecte de nuisibilité moyenne, elle profite des trous déjà présents dans les siliques (créés par le charançon des siliques) pour pondre. Les larves de ce moucheron se développent dans la silique qui éclate.

"Limiter les pertes liées aux principaux ravageurs est possible en réduisant les infestations avec une lutte insecticide (à condition de surveiller l’apparition des insectes, de respecter les seuils et de bien choisir les produits), tout en favorisant la régulation naturelle, indique Laurent Ruck. Il faut aussi chercher à favoriser les capacités de compensation de la culture : plus un colza est vigoureux, plus il est capable de compenser les attaques et de supporter les dégâts occasionnés par les insectes. Il convient également de limiter la présence des ravageurs sous leur forme nuisible pendant la période sensible de la culture (évitement), par exemple en associant une variété à floraison précoce avec la variété à protéger pour limiter les attaques de méligèthes."

Obtenir un colza robuste

Plusieurs leviers peuvent être mobilisés en amont pour limiter les risques d’attaques de ravageurs en cours de campagne. L’une des stratégies consiste à soigner l’implantation afin d’obtenir un colza robuste dès l’automne. "Les leviers agronomiques varient selon les milieux. Mais l’objectif à atteindre est le même pour tous : viser 4 feuilles au 20-25 septembre, 25 g/plante début octobre (c’est-à-dire 800 g pour 30 pieds/m² ou 1 kg pour 40 pieds/m²) et une croissance continue tout au long de l’automne, explique Céline Robert. Il faut aussi essayer d’obtenir un système racinaire bien développé (l’objectif est d’atteindre un pivot à 15 cm en entrée d’hiver), 40-45 g/plante en entrée d’hiver (soit 1,2 à 1,5 kg/m² pour 30 pieds/m2) ainsi qu’une reprise vigoureuse." Pour y parvenir, différents leviers peuvent être actionnés : une date de semis proche d’un épisode pluvieux, un lit de semence bien préparé, une stratégie de fertilisation NP adaptée et l’association avec des légumineuses gélives.

Autre stratégie : piéger le méligèthe avec une variété précoce à floraison. "Le principe est d’utiliser une variété plus haute et plus précoce à la floraison pour attirer et piéger l’insecte avec la couleur jaune des fleurs et le pollen facilement accessible dont le méligèthe se nourrit." Ainsi, la plante piège attire préférentiellement les méligèthes sur ses fleurs, permettant de préserver les boutons moins avancés et plus sensibles de la variété d'intérêt.

Insecticides : des résistances à prendre en compte

Plusieurs espèces de ravageurs du colza montrent une résistance aux insecticides. Entre 1997 et 2015, il a été mis en évidence une résistance des pucerons verts, des méligèthes, des charançons du bourgeon terminal et des altises d’hiver aux pyréthrinoïdes, ainsi qu’une résistance des pucerons verts au pirimicarbe. Sur ces ravageurs, la résistance peut se traduire par une perte d’efficacité au champ. Plus récemment, en 2015 et 2019, ont été détectées des mutations pouvant conférer de la résistance aux pyréthrinoïdes sur quelques populations de charançon de la tige du colza, de charançon des siliques et tige du chou. Sur ces espèces, à ce jour, aucune perte d’efficacité au champ n’a été signalée. "Les solutions insecticides se raréfient et il convient de tenir compte de ces résistances pour choisir l’insecticide le plus adapté pour chaque espèce cible", indique Laurent Ruck. Un essai, mené en 2019 sur le charançon de la tige du colza, montre une bonne efficacité des pyréthrinoïdes (en "ine") (par exemple Decis Protech, à base de deltaméthrine) et de l’etofenprox (Trebon 30 Ec). L’efficacité du tau-fluvalinate se révèle en revanche insuffisante sur charançon de la tige. Mais dans un autre essai, le tau-fluvalinate (Mavrik Smart/Flo) a montré son intérêt sur méligèthes, tout comme l’étofenprox. L’efficacité des pyréthrinoïdes en "ine" est insuffisante sur méligèthes en raison de résistances par détoxification.

"Steward®, dont la substance active, l’indoxacarb, est une alternative aux pyréthrinoïdes particuliers que sont le tau-fluvalinate et l’etofenprox, est à utiliser également contre les méligèthes. En présence du charançon de la tige et du méligèthe, on aura recours à l'etofenprox, indique Laurent Ruck. En présence de fleurs, il faudra utiliser des pyréthrinoïdes bénéficiant de la mention «abeille floraison» pour lutter contre le charançon des siliques."

L’efficacité des auxiliaires des cultures

Les auxiliaires des cultures sont des alliés à ne pas négliger dans la lutte contre les ravageurs de printemps du colza. Plusieurs groupes d’ennemis naturels montrent une efficacité déterminante en conditions favorables : c’est le cas des hyménoptères parasites sur pucerons, altises, mouches du chou, charançons et méligèthes, des coccinelles et des syrphes sur pucerons ou encore des carabiques et staphylins sur mouches du chou. Certains auxiliaires, comme les nématodes parasites, les bactéries et les virus sont également actifs sur des ravageurs tels que l’altise, le charançon et le méligèthe. Pour favoriser les auxiliaires, il est conseillé de respecter les seuils et de raisonner les traitements insecticides, de ne pas traiter pendant la journée, de préserver les zones refuges (bords de champs, haies…) et de limiter le travail du sol après un colza.

"La lutte contre les insectes du colza ne sera efficace que si elle combine les différents leviers à disposition : les leviers agronomiques (implantation optimale, fertilisation, mélanges variétaux ou mélanges d’espèces), l’utilisation des insecticides en complément dans le respect de la règle de décision, ainsi que la préservation de la faune auxiliaire", conclut Céline Robert.

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