La technologie Crispr: deux doigts coupent fin

CRISPR, deux doigts coupent fin. © Nobeastsofierce/Fotolia

Parmi les avancées scientifiques majeures de ces dernières années, la technique d’édition des gènes CRISPR-cas 9 apparaît comme une petite révolution dans le monde des biotechnologies. Elle est un nouveau terrain d’investigation pour les sélectionneurs, à condition que le législateur leur en donne les moyens.

 

À travers le dossier Enjeux de Cultivar (mai 2018), nous avons pu appréhender combien la sélection assistée par marqueur (entre autres) faisait partie des outils génétiques qui permettent d’accompagner l’ensemble des travaux de sélection génomique performants. Par ailleurs d’autres outils sont aussi à la disposition des chercheurs et prometteurs d’avancées considérables. 

Notamment des outils qui permettent de modifier avec précision le génome, lui conférant ainsi de nouvelles propriétés. Il s’agit d’outils d’édition de génome comme CRISPR (Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats). Cet outil fonctionne comme un ciseau qui vient couper l’ADN. Parmi les outils de sélection des plantes les plus récents, souvent nommés NBT (New Breeding Technology), la méthode CRISPR-Cas 9 est sans doute la plus connue ou tout au moins la plus médiatisée. Ces travaux de recherche ont été initiés par la France. Cocorico. Le système CRISPR est utilisé naturellement par les bactéries pour identifier les ADN étrangers et les découper. Elles possèdent différents dispositifs pour se défendre, comme les enzymes de restriction ou le système CRISPR. 

Ce dernier est intéressant, non pas pour ses fonctions mais pour ses applications et notamment le Cas 9 car il est capable de couper une séquence d’ADN à un endroit précis grâce à « son GPS ». Sauf que son niveau de précision à lui est de l’ordre de 1 nanomètre ! Nous autres, avons un alphabet de 26 lettres pour faire des mots et des phrases que l’on pourrait assimiler à « des gènes », à savoir une succession de mots qui a du sens. Le système CRISPR est capable de reconnaître les phrases et spécifiquement le mot qui ne lui convient pas pour aller le couper en deux. Désormais, nous sommes capables de lui imposer d’aller chercher une séquence en particulier. Et on va même lui demander de le réparer. Dans la nature, la cellule analphabète va tenter de réparer au pif avec ce qu’elle a, à disposition. 

Soit elle fait une réparation, mais qui n’a pas de sens (autrement dit du charabia). Soit, elle recrée un mot qui a du sens et va nous intéresser. Mais c’est là que la science est formidable, puisque les chercheurs sont capables d’amener une nouvelle séquence d’intérêt (un nouveau gène). 

Cette séquence peut-être un allèle connu dans la lignée, mais elle peut-être aussi un allèle dont l’espèce ne dispose pas naturellement, et c’est là que le législateur s’interroge sur la définition même de cette pratique. Est-ce assimilable à la transgénèse ?  

Dans le champ agricole, des variétés issues de cette technologie ont vu le jour, le maïs waxy par exemple. 

Il se distingue du maïs classique par sa composition à 100 % d’amylopectine, très adapté aux débouchés des amidonniers. On trouve aussi une variété de blé résistant à l’oïdium, une pomme de terre résistante au mildiou, un manioc résistant à la striure brune, ou encore un cochon résistant à la fièvre porcine africaine… 

Marie-Cécile Damave, responsable innovations et marchés pour le think tank Agridées. Photo : DR

Un avenir soumis à réglementation

Pour Marie-Cécile Damave, responsable innovations et marchés pour le think tank agridées, ces techniques sont évidemment prometteuses mais leur déploiement dépend beaucoup de leur encadrement réglementaire. « Les techniques d’édition de gènes, largement utilisées au stade de la recherche, sont en attente d’une décision des autorités européennes. La principale interrogation est la suivante : les plantes et les animaux mis au point par ces techniques vont-ils êtres classés dans la catégorie OGM ? Cela freinerait considérablement leur développement, puisqu’il n’y a presque pas de plante OGM autorisée à la culture dans l’Union européenne. Si les rapports d’experts sont de plus en plus nombreux à l’échelle française, européenne et internationale, personne n’ignore que ces questionnements dépassent largement le champ scientifique. » Retenons pour l’heure les travaux de l’OPECST (l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, chargé d’éclairer les décisions des députés et des sénateurs français sur les questions technologiques). « L’OPECST a clairement pris position pour que les produits issus de certaines biotechnologies récentes ne tombent pas dans la catégorie des OGM », poursuit Marie-Cécile Damave et concernant CRISPR-Cas 9, le sujet est finalement assez simple. Ainsi pour l’OPECST, est considéré comme OGM, un produit obtenu par CRISPR-Cas9 et autres nucléases avec insertion d’un transgène étranger. N’est pas considéré comme OGM, un produit issu par CRISPR-Cas9, s’il s’agit d’une mutation ponctuelle du génome, avec insertion du gène (non exogène) au même endroit. 

Un positionnement qui correspond finalement à la définition même des OGM telle qu’elle est détaillée dans la directive européenne 2001/18, qui les encadre. Pour l’heure, l’Union européenne traîne des pieds pour légiférer mais « au regard des différentes réflexions et travaux en cours, les autorités montrent des signes d’ouvertures et veulent sortir des visions binaires OGM/non-OGM, au nom de la compétitivité agricole européenne, pour (enfin !) en finir avec l’opposition des modèles et des outils. Il y a des motifs d’espoirs mais il s’agit désormais de clarifier les choses, sans trop attendre », commente la responsable. 

 

Montée en puissance de la sélection génomique

Autre technologie qui dynamise l’amélioration des plantes chez les semenciers, la montée en puissance de la sélection génomique, qui pour Marie-Cécile Damave permet finalement de s’affranchir des contraintes réglementaires (transgénèse) et des incertitudes réglementaires (NBT), tout en étant performante. « La sélection génomique, qui vient du monde animal, consiste à utiliser à haute densité les techniques de sélection assistée par marqueurs moléculaires. Cette connaissance fine du génome permet d’accumuler par croisement au cours des générations un maximum de gènes favorables. Grâce aux outils numériques, la sélection génomique est un outil puissant de prédiction de performances et permet de prévoir des caractères pas encore observés : on raccourcit les cycles de sélection et le gain génétique est fortement accéléré chez les animaux d’élevage comme chez les plantes cultivées. » Les sélectionneurs se sont bien emparés de ces méthodes, en complément du phénotypage haut débit. « Ces techniques permettent d’acquérir un très grand nombre de données. Grâce aux data, aux algorithmes mathématiques, à la biostatistique, on explore l’existant très finement et on est en capacité de proposer aux agriculteurs une meilleure offre variétale qui répond à leur demande sur les plans technique, économique et environnemental, et conférant des caractères souvent plus stables. Elle exige cependant des compétences pointues en mathématiques et analyses de données. Un autre point positif est que la sélection génomique ne soulève pas de contestation sociétale, à l’inverse de la transgénèse et de la mutagénèse », conclut-elle. 

Il nous semblait important d’aborder cette technique de CRISPR cas 9, mélange de « GPS et correcteur orthographique intelligent ». Une technologie qui ouvre des perspectives scientifiques peut-être sans précédent à condition de l’utiliser à bon escient, comme toute innovation. L’Europe va devoir prendre ses responsabilités face aux enjeux, avec l’espoir que l’excellence technique du secteur semencier européen s’inscrive dans le long terme. 

 

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