La Roumanie se lance dans l'agriculture bio

Nicolas Lefebvre, qui gère une exploitation de 1600 ha bio en Roumanie, était l’invité de l’association Base en février. Il nous explique les changements survenus dans ce pays européen deux fois plus petit en surface que la France agricole.

À l’heure où l’Europe est en pleine discussion de la PAC, comment évoluent les anciens pays de l’Est au niveau agricole ? Nous avons profité du passage de Nicolas Lefebvre, gestionnaire d’une exploitation de 1 600 ha bio en Roumanie et invité d’une réunion Base, à Soudan en Loire-Atlantique le 26 février, pour nous éclairer sur le sujet. Une chose est sûre. L’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne en 2007 a fait bouger certaines lignes, qui ont, ou auront, un impact sur les autres pays européens comme la production en bio dans le delta du Danube qui démarre. Mais d’autres caractéristiques n’ont guère évolué. Ce pays présente toujours le plus grand nombre de petites exploitations. Selon le dernier recensement, il existe encore près de 3,5 millions de fermes sur le territoire. Un grand nombre d’exploitations ne possèdent guère plus de 5 ha. Au temps du communisme, l’agriculture était un secteur qui permettait d’« occuper » la main-d’œuvre.

Sur ces petites surfaces, la plupart des travaux sont réalisés manuellement, précise Nicolas Lefebvre. Même le maïs est parfois encore récolté épis par épis. Ces exploitations proches des villages vivent en autonomie, elles n’ont guère de matériel et pratiquent la location ou les échanges. 

Les terres des grandes fermes issues des kolkhozes roumains ont été redistribuées pour une partie aux petits exploitants mais aussi rachetées par des Européens avant même l’entrée du pays dans l’Europe.

L’agriculture de conservation se développe

Outre les plus petites, choyées par les pouvoirs publics qui leur octroient une part importante des subsides venant de Bruxelles, les fermes de moins de 100 ha possèdent peu de matériel, n’ont pas de salarié, produisent peu et ne maîtrisent guère la technique et les stratégies commerciales. Celles qui produisent sur des surfaces comprises entre 100 et 500 ha, pratiquent souvent le fermage, choisissent quatre à cinq cultures avec du matériel venu de l’Ouest. Elles sont très à l’écoute de l’agrobusiness en appliquant par exemple toujours les pleines doses, emploient des salariés dans le cadre d’une organisation très hiérarchique (le patron ne monte pas sur le tracteur). Les céréales de rendements corrects ne sont pas stockées. Leur politique commerciale est peu développée. Parmi les exploitations de plus de 500 ha, managées le plus souvent par des étrangers, certaines sont en concession avec l’État. La technique et le stockage de pointe sont la règle, les rendements élevés (80q/ha en blé pour la campagne 2016-2017) et les dirigeants ouverts à l’innovation technique. C’est ainsi que l'association Aider s’est créée en 2014 pour fédérer les initiatives et les essais chez les exploitants désireux de pratiquer l’agriculture de conservation.

35 000 ha drainés et irrigués démarrent en bio

Enfin, des fermes atypiques ont vu le jour, par exemple celle de 56 000 ha, rachetée par un sheikh de Abou Dhabi en 2018 pour concession de longue durée. Elle produit de la luzerne déshydratée afin de diminuer les surfaces fourragères, trop gourmandes en eau, pour la production de lait dans les Émirats. Autre exemple, qui peut impacter directement l’Europe, l’introduction de la culture bio dans la biosphère du delta du Danube. Peu cultivés jusqu’à présent, 60 000 ha sont concédés par l’État durant quinze ans. Près de 35 000 ha de terres riches sont drainés et irrigables.

Jusqu’à présent, explique Nicolas Lefebvre, la culture bio était peu présente en Roumanie en raison de la durée des contrats qui n’incite guère à se lancer dans cette méthode culturale qui nécessite au moins deux ans de conversion. 

Les intrants au même prix qu’en Europe de l’Ouest

L’entrée dans l’Europe a fait décoller une activité agrobusiness jusqu’à présent inexistante. Les prix du matériel et les intrants s’avèrent identiques à ceux de l’Ouest. La législation en matière d’autorisation de mise sur le marché des produits phyto est plus souple qu’en France mais elle tend à se durcir. Ainsi, les dérogations des néonicotinoïdes ne sont plus systématiques. Des groupements d’achats très agressifs se sont mis en place. Les semenciers ont installé leurs stations de recherche. Mais le conseil indépendant est rarissime. Le prix des terres peut grimper jusqu’à 10 000 euros/ha. Leur location se négocie encore parfois en kg de blé/ha équivalent à 130/200 euros/ha pour une durée allant de deux à dix ans. Les mesures environnementales sont moins exigeantes qu’en France : pas de contrôle de pulvérisateur, traitement par avion autorisé, les conditions optimales de pulvérisation sont peu appliquées. Pour les fermes de plus de 500 ha, les rendements ont fortement augmenté depuis dix ans : de 40 à 80 q/ha pour le blé, de 20 à 40 q/ha pour le colza, de 15 à 40 q/ha pour le tournesol, de 30 à 120 q/ha pour le maïs, de 5 à 40 q/ha pour le soja, de 25 à 65 q/ha pour la betterave. Les prix commerciaux du blé à 12 % de protéines atteignaient 160 euros/t en février (155 euros/t à 11 % de protéines). En matière de coût de main-d’œuvre, le salaire moyen net pour des chauffeurs se situe à 500-550 euros par mois.

 

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