Hydrogène : Le « game changer » de la transition énergétique

Si la production d’hydrogène est énergivore, le game changer n’est pas pour demain.

Crédit photo Shawn Hempel / Adobe Stock
L’hydrogène est devenu, en quelques années, un axe prioritaire des investissements étatiques pour répondre aux défis de la transition énergétique. Il pourrait devenir le nouveau pétrole des décennies à venir. Plongée avec le plus petit mais aussi le plus abondant des atomes sur terre et dans l’univers.

Le saviez-vous ? L’hydrogène est le plus petit et le plus simple des éléments répertoriés dans le fameux tableau de Mendeleïev. C’est aussi le plus abondant sur terre et dans l’univers.

« Mais sa particularité, explique Jean Foyer, président-fondateur de Qairos Energies, c’est qu’il ne peut pas exister seul. Contrairement à des atomes de carbone ou de fer, il doit toujours être associé, c’est la raison pour laquelle on parle toujours de dihydrogène H2. Et c’est d’ailleurs sous cette forme qu’il est exploitable d’un point de vue énergétique.

Sur terre, on le trouve essentiellement sous forme combinée à l’oxygène (H2O) et au carbone (CH4). Certes il existe à l’état naturel (H2), dans la croûte terrestre notamment, mais ces sources sont complexes à investiguer. »

L’hydrogène n’est pas une source d’énergie à proprement parler, mais un vecteur. C’est en cassant la liaison de deux atomes d’hydrogène qu’on libère une grande quantité d’énergie. Le rendement énergétique est d’ailleurs beaucoup plus intéressant que celui de l’essence. Et c’est bien pour ce potentiel que l’hydrogène est envisagé comme le nouveau pétrole.

Extraire l’hydrogène en déconstruisant les liaisons

Mais pour exploiter son pouvoir énergétique, il faut être capable de l’extraire. Aujourd’hui, il est produit à 99 % grâce à des ressources hydrocarbures comme le charbon, le pétrole et le méthane (CH4). Son extraction consiste à couper les chaînes qui relient le dihydrogène aux autres éléments chimiques.

Pour simplifier le propos, Jean Foyer précise : « Plus les chaînes sont complexes à déconstruire, plus on consommera d’énergie pour fabriquer de l’énergie. »

Noir, gris, bleu, vert… Une palette de couleurs pour définir l’origine des modes de production. Retenons que plus la couleur est foncée, plus la méthode d’obtention de l’hydrogène est coûteuse en carbone. Désormais, toute l’attention est portée sur l’hydrogène bleu et vert, mais aussi claire soit la couleur, les méthodes d’extraction sont-elles pour autant neutres en carbone ?

L'hydrogène, véritable alternative

« À ce jeu des couleurs, c’est le monde de l’électron qui a gagné, puisqu’on emploie désormais le terme unique d’hydrogène vert pour qualifier au sens large l’hydrogène "bas carbone“, notamment l’hydrogène obtenu à partir de l’électrolyse de l’eau. Or, il faut rappeler que pour obtenir de l’hydrogène à partir de l’électrolyse de l’eau, il en faut des quantités non négligeables ainsi que de l’électricité.

Pour 1 kilogramme d’hydrogène, il faut 20 litres d’eau confinée et de l’électricité. On ne peut pas dire que ça n’a pas d’impact en ce qui concerne l’énergie », explique Jean Foyer, qui aurait préféré que l’on associe plutôt l’hydrogène vert à l’hydrogène issu des ressources agricoles.

Ce sujet de l’énergie soulève de multiples paradoxes. « Rouler en voiture électrique c’est bien, mais s’il faut des superchargeurs qui fonctionnent au fioul, c’est contre-productif ! » Autrement dit, si la production d’hydrogène est énergivore, le game changer n’est pas pour demain.

L’hydrogène est une véritable alternative, à condition d’avoir des modèles de production et de diffusion qui n’émettent pas plus qu’ils ne consomment.

L’agriculture et la forêt comme seules alternatives crédibles

La question de fond, ou tout au moins la façon dont il faudrait envisager l’avenir, c’est : soit l’énergie produite est carbonée, soit elle ne l’est pas. « Le terme de bas carbone a été imposé par la filière nucléaire, mais j’estime que la question à se poser est la suivante : soit on émet du CO2, soit on n’en émet pas, voire on en stocke. L’histoire s’écrira avec ceux qui sont capables, justement, de produire une énergie sans émettre de carbone dans l’air », résume Jean Foyer.

C’est là que l’agriculture et la forêt sont au cœur des défis. « L’agriculture stocke du carbone par nature, sauf si évidemment le labour est trop intensif ou les intrants exogènes trop importants, alors le ratio est négatif, en effet.

Mais l’agriculture doit être beaucoup plus utilisée pour répondre à ces problématiques de décarbonation, tout comme la sylviculture. Ce sont les seuls leviers qui permettent de créer des systèmes à carbone négatif : je produis de l’énergie non pas en consommant du carbone, mais en stockant », insiste le responsable avant de rappeler :

« Il y a 150 ans, la ferme produisait l’énergie nécessaire à faire avancer son tracteur, autrement dit le cheval. Aujourd’hui, on a un tracteur et on achète du carburant, donc les débats visant à taper sur ces terres qui servent à produire de l’énergie plutôt que de l’alimentaire sont, je trouve, bien inutiles alors même qu’il faut revoir complètement nos modes de vie. Il faut remettre les terres au service de l’énergie, bien au contraire. »

De l’hydrogène à partir du chanvre

La méthanisation, qui consiste à transformer de la matière organique en gaz à partir de la décomposition des matières, fait son bonhomme de chemin. Chez Qairos énergies, on propose de valoriser la biomasse par pyrogazéification.

« C’est un process qui transforme des matières solides en gaz par la chaleur. Nous récupérons du CO2 liquide, de l’hydrogène, du méthane, de la chaleur résiduelle et des éléments minéraux avec, en entrée, des matières organiques agricoles, en l’occurrence des résidus de chanvre ou de chènevotte et de l’électricité.

Dans notre système, nous avons besoin de deux tiers de résidus de chanvre et d’un tiers d’électricité pour finalement avoir quatre tiers d’énergie sous forme de gaz et de chaleur », détaille Jean Foyer.

Le chanvre, un atout pour l'industriel

Et pourquoi le chanvre, me direz-vous ? Car d’un point de vue agronomique, le chanvre est une très bonne tête de rotation, c’est une espèce très rustique et très peu gourmande en intrants tels que la chimie ou l’eau par rapport à d’autres cultures de printemps.

Mais le chanvre présente aussi un autre atout pour l’industriel : « Le chanvre pousse en quelques semaines pour atteindre 3 à 4 mètres de hauteur. Pendant ce laps de temps, les composés ligneux de structure moléculaire complexe n’ont pas le temps de se former, c’est donc beaucoup moins énergivore de déconstruire les liaisons d’une molécule simple.

De plus, ce sont des résidus relativement équilibrés en atomes de carbone et d’hydrogène. Il est bon de rappeler aussi que le chanvre capte 15 tonnes de CO2 par hectare par an. » Ajoutons à cela que la culture n’est pas arrachée, donc sa racine pivotante, profonde et fasciculée, reste dans le sol.

Aujourd’hui, Qairos Energies, entreprise basée dans le département de la Sarthe, développe des unités industrielles : « Notre système est complémentaire à celui de la méthanisation, et la finalité est partagée : valoriser la biomasse pour produire de l’énergie captatrice de carbone », conclut Jean Foyer.

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