Simplifier et rendre plus cohérent le droit applicable aux exploitations agricoles

Les contrôles, nombreux, fréquents, inopinés dans certains cas, mettent parfois les exploitants dans une situation intenable, surtout lorsqu'il s'agit d'appliquer un droit instable ou qui se contredit. Crédit: Fox_Dsign/Adobe Stock

Deux députés viennent de rendre un rapport sur les multiples contrôles effectués dans l'agriculture. S'ils ne contestent pas leur nécessité, au nom de la sécurité alimentaire notamment, ils font, à la suite d'un travail de terrain, 19 propositions pour rendre la vie plus facile aux producteurs – et les réconcilier avec l'administration.

C'est parce qu'ils viennent tous deux de territoires ruraux – Anne-Laure Blin est députée LR de Maine-et-Loire et Éric Martineau élu MoDem de la Sarthe – qu'ils sont sensibles à la question agricole et au bien-être des producteurs. Or il est un élément qui fragilise particulièrement ces derniers: les contrôles, nombreux, fréquents, inopinés dans certains cas, et qui mettent parfois les exploitants dans une situation intenable, surtout lorsqu'il s'agit d'appliquer un droit instable ou qui se contredit... C'est ce qui ressort de leur mission d'information, agréée par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, et menée cet été sur le terrain.

Certes, les deux députés ne remettent pas en cause la nécessité des contrôles. Après tout, il en va de la sécurité alimentaire, de même que des efforts collectifs à consentir dans la lutte contre le dérèglement climatique et la protection de la biodiversité. Mais "l'inflation normative, de la part de l'Union européenne comme de la France, voire, en France, une «surtransposition» des règles communautaires, donnent lieu à une telle insécurité qu'elle provoque une anxiété de plus en plus forte chez les producteurs", argumentent-ils.

Tous concernés

Tous les agriculteurs, quels que soient leur surface d'exploitation et leur type de production (céréales, élevage, arboriculture, viticulture, en bio ou en conventionnel...), sont logés à la même enseigne. "Et évidemment, ceux qui multiplient les productions sont les plus exposés, puisqu'ils doivent répondre à des législations diverses, qui impliquent donc autant de contrôles", précise Éric Martineau. Mais au-delà du nombre et de la façon dont ces contrôles sont conduits (souvent sur plusieurs jours), c'est surtout le fait que certains dispositifs auxquels les producteurs doivent se conformer soient évolutifs, sujets à interprétations et même contradictoires parfois, qui les perturbe.

Ainsi des règles d'usage des produits phytosanitaires, qui ont connu plusieurs changements ces derniers temps. "Nous avons nous-mêmes dû rechercher certains dispositifs, nichés au sein de différentes lois, dans ce domaine et en particulier sur la protection des abeilles, qui se sont avérés être en contradiction les uns avec les autres", indique ainsi Anne-Laure Blin. Et "s'il faut évidemment protéger les abeilles, faire attention au vent, prendre la pluie en compte et respecter les distances en bordure de cours d'eau notamment, certains agriculteurs se retrouvent dans des situations où, s'ils ne peuvent pas traiter, ils n'auront pas de récolte ou des volumes moindres, renchérit le député de la Sarthe. Or les consommateurs veulent des produits abordables..."

Autre exemple, la mesure des capacités d'accueil des locaux abritant les poulets d'élevage. Certains contrôleurs, précise le rapport, "ont pu prétendre appliquer des méthodes de calcul foncièrement différentes de celles suivies par leurs homologues européens". Enfin, en ce qui concerne les demandes d'aides de la PAC, "elles présentent un degré de complexité tel que 60% environ d'agriculteurs s'en remettent à des organismes de services prestataires pour remplir les déclarations et accomplir les démarches, compte tenu notamment de la difficulté à retranscrire certaines informations relatives aux parcellaires (telles que des indications graphiques sur les haies ou les arbres isolés)", sans oublier "la lecture de pas moins de 20 notices, avec en outre une évolution des règles de déclaration d'un exercice à un autre".

Plaintes en hausse

Et ce n'est pas tout. Les deux élus notent l'accroissement du nombre de plaintes vis-à-vis des agriculteurs, de la part des défenseurs de l'environnement en particulier. "Il ne s'agit pas, là non plus, de contester le bien fondé de la protection de l'environnement, précise Anne-Laure Blin, mais de trouver le moyen d'avoir des relations apaisées entre ces deux partis, alors qu'un agriculteur peut se retrouver au poste de police, avec prise d'empreintes, puis poursuites et sanctions pénales à la clé. De quoi le traumatiser."

Stabiliser l'état du droit

Afin de faciliter la relation des producteurs agricoles avec les différentes administrations chargées de faire respecter les réglementations françaises et européennes (Agence de services de paiement pour le contrôle des aides relatives aux premier et deuxième piliers de la PAC, directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement, Office français de la biodiversité... en fonction des différents codes – rural et de la pêche maritime, de l'environnement, du travail, de la sécurité sociale...), et même de les réconcilier avec l'État, les deux députés ont listé 19 recommandations, dont:

  • publier les statistiques anonymisées des contrôles inopinés et/ou après dénonciation opérés dans les exploitations agricoles à l'échelle nationale et départementale ;
  • œuvrer à la mise en cohérence et à la simplification du droit applicable aux exploitations agricoles ;
  • stabiliser l'état du droit applicable aux exploitations agricoles ; 
  • veiller à une transposition rigoureuse des obligations et des règles du droit européen applicable aux exploitations agricoles ;
  • évaluer le risque de surtransposition dans le cadre des études d'impact annexées aux projets de loi.

Droit à l'erreur et pédagogie

En outre, dans le cadre de ces contrôles, les deux députés veulent s'assurer que les agriculteurs, au même titre que les autres citoyens, aient droit à l'erreur, "ce qui n'est pas le cas actuellement, puisque l'article L. 123-1 du Code des relations entre le public et l'administration écarte expressément son application en ce qui concerne les sanctions requises pour la mise en œuvre du droit de l'Union européenne et les sanctions prononcées en cas de méconnaissance des règles préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement", précise Anne-Laure Blin.

Enfin, les deux auteurs du rapport souhaitent une meilleure formation des contrôleurs et un soutien, sous forme de préparation et d'accompagnement des agriculteurs, de la part des chambres d'agriculture, pour les contrôles.

Ces recommandations parviendront-elles à venir à bout du fameux millefeuille administratif français ? "Oui, répondent Anne-Laure Blin et Éric Martineau. Mais à une condition expresse: qu'il y ait une volonté politique, portée aussi bien par l'exécutif que le législatif..."

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